Les élections de 2015 : L’inacceptable vérité  
Les élections pour le renouvellement du 
personnel politique n’ont pu se tenir dans le pays depuis plus de quatre
 (4) ans. C’est tout à fait inadmissible dans une démocratie. Donc, la 
formation et l’installation du Conseil électoral provisoire en janvier 
2015 ont été facilitées pour permettre au pays de retourner sur les 
rails de la démocratie représentative. Le CEP avait pris la classe 
politique au mot et s’était attelé à la tâche avec engagement et 
dévouement.
La vérité, c’est que le CEP n’a pas 
créé tous ces candidats et partis politiques qui se sont inscrits dans 
le processus électoral. Ce sont des produits de nos tares sociales.
La vérité, c’est que le CEP, au-delà
 de tout ce qu’on avait pu lui reprocher, à tort ou à raison, avait 
revendiqué, comme sa seule boussole, le décret électoral du 2 mars 2015 
et qu’à chaque étape, il avait tenu compte de toutes les dénonciations 
et propositions de tous les acteurs, de tous les protagonistes et 
parties prenantes pour ensuite apporter les corrections nécessaires.
La vérité, c’est que le CEP avait 
pris en compte toutes les revendications que les candidats avaient 
formulées suite aux élections du 9 août 2015 et que les corrections 
nécessaires y avaient été apportées.
Le CEP avait reçu mandat d’organiser les élections. Il ne lui revenait pas de choisir qui des candidats en lice sera placé en 1ere, 2e, 3e ou en 54e position.
 La vérité, c’est cela que certains candidats attendaient du Conseil et 
c’est cela qui faisait problème avec les résultats publiés.
Les Conseillers électoraux ne 
pouvaient pas tordre la main des techniciens du Centre de tabulation des
 votes (CTV) pour fabriquer et publier des résultats imaginaires. La 
vérité, c’est que les résultats des élections organisées par le Conseil 
électoral provisoire (CEP) ont été publiés tels qu’ils lui ont été 
communiqués par le Centre de tabulation des votes (CTV), à travers la 
Direction exécutive du CEP.
La vérité, c’est que le système 
électoral haïtien produit les résultats des urnes à partir des 
procès-verbaux d’élection dressés par des membres de bureaux de vote qui
 sont recommandés par les partis politiques. Les opérations de vote et 
de dépouillement des urnes se réalisent en présence d’observateurs et, 
surtout, de mandataires des partis politiques et des candidats 
concernés. Une fois les opérations de dépouillement terminées et les 
procès-verbaux d’élection affichés aux portes des bureaux de vote (BV), 
les procès-verbaux sont réputés opposables jusqu’à ce qu’ils soient 
contestés devant un bureau de contentieux électoral, régulièrement 
constitué. La non-contestation des résultats des élections dans les 
formes prescrites et recommandées par le Décret électoral invalide toute
 démarche ultérieure pour les modifier. C’est la règle du jeu 
démocratique définie et acceptée préalablement par tous les acteurs 
engagés dans la compétition. C’est antidémocratique de vouloir changer 
les règles du jeu a posteriori.
De plus, le mandataire accrédité 
dans un bureau de vote est le représentant d’un candidat, parti ou 
regroupement politique. Il est désigné, appointé et payé par le 
candidat, parti ou regroupement politique pour défendre les intérêts de 
son mandant depuis l’ouverture du bureau de vote jusqu’à la réception du
 procès-verbal d’élection dans le cas où son candidat est placé en 
première (1ere) ou en deuxième (2e) position. En 
aucun cas, le CEP ne peut et ne saurait prétendre remplacer le candidat,
 le parti ou le regroupement politique. Ce n’est pas son rôle ; ce n’est
 pas sa mission ; ce n’est pas son mandat.
Donc, quand le CEP avait pris toutes
 les dispositions, de concert avec la Police, le Gouvernement et les 
autres partenaires, dont la MINUSTAH le 25 octobre 2015, pour garantir 
la sécurité autour et à l’intérieur des centres de vote (CV), la 
vigilance pour l’intégrité du vote incombe solidairement aux membres des
 bureaux de vote et aux mandataires qui y sont accrédités pour la 
défense des intérêts de leurs candidats.
Si les candidats ont créé eux-mêmes 
la confusion et la cacophonie en sollicitant plus de mandats qu’ils 
peuvent utiliser ; s’ils ont trafiqué les mandats qu’ils ont réclamés, 
qu’ils ont reçus et distribués ; s’ils n’ont pas disposé d’assez de 
mandataires pour couvrir la totalité des bureaux ou s’ils en ont désigné
 de faux ; s’ils ont été déloyaux dans la compétition, ils doivent 
assumer leur choix ! Ils doivent se rappeler que le 25 octobre 2015, le 
CEP avait répondu à toutes les revendications et demandes qu’ils avaient
 formulées après la journée du 9 août 2015. Et, jusque très tard dans la
 journée du lundi qui a suivi le scrutin du 25 octobre, il n’y avait que
 de la satisfaction dans l’air en termes d’amélioration du processus par
 rapport au 9 août.
La vérité, c’est que quarante-huit (48) 
heures après le scrutin, les candidats disposaient de suffisamment 
d’informations, à partir des procès-verbaux reçus, publiés ou affichés, 
pour leur permettre de connaitre leur score et celui des autres 
adversaires. Il est lamentable de constater que la perspective de 
l’échec parmi certains des candidats les plus en vue puisse conduire au 
rejet pur et simple du processus. Il est tout autant triste de relever 
qu’après chaque échec, il nous faut trouver un bouc émissaire qui doit 
être soit le Gouvernement, soit la Police, soit la MINUSTAH, soit la 
communauté internationale, soit le CEP pour en faire porter la 
responsabilité.
En refusant d’engager les recours 
contentieux dans les formes prévues par le Décret électoral, ceux qui 
avaient prévu et programmé leur victoire avant même d’avoir compté les 
votes tels qu’exprimés sur les procès-verbaux d’élection affichés sur 
les portes des bureaux de vote (BV) se sont retrouvés désarmés pour 
livrer de nouvelles batailles démocratiques. En désespoir de cause, ils 
ont orchestré cette campagne de dénonciations calomnieuses pour 
discréditer le CEP, ses membres et tout le processus dans son ensemble 
afin de détourner l’attention sur leurs limitations et les conditions 
exécrables de l’exercice du métier de politicien chez nous. C’est tout 
simplement désolant !
La vérité, c’est que le CEP dans un élan
 de transparence avait affiché sur son site tous les procès-verbaux et 
ces derniers, à tout moment, peuvent être analysés à la lumière de 
l’article 171.1 du Décret électoral.
En fin de compte, le CEP avait 
refusé de former la commission de vérification réclamée à cor et à cri 
par une partie de la classe politique et certaines des institutions de 
la société civile, non parce qu’il était contre une telle démarche, mais
 parce qu’il ne disposait pas de provisions légales pour le faire sans 
un recours contentieux régulièrement engagé. Les Conseillers électoraux 
ne se seraient jamais permis de violer le Décret électoral par principe 
et par conviction. La vérification, telle qu’elle avait été réclamée, 
s’était révélée être une démarche politique de sorte qu’il revenait au 
pouvoir politique de trancher sur l’opportunité d’une telle demande.
Conclusion
Le Conseil électoral provisoire qui 
avait organisé les joutes électorales de l’année 2015 était composé de 
personnalités d’origine, d’idéologie et d’orientation politique 
différentes. Le seul point commun entre nous était notre détermination, 
en tant que Conseillers électoraux, à tout mettre en œuvre pour la tenue
 d’élections libres, honnêtes, inclusives et démocratiques dans le pays.
 C’était cela notre credo ! C’était aussi cela notre engagement !
À aucun moment, les Conseillers 
électoraux n’avaient tenté d’influencer les résultats des élections 
encore moins de dire aux techniciens du CEP qui doit être élu, qui ne 
doit pas l’être.
À aucun moment, les Conseillers 
électoraux n’avaient rançonné des candidats pour leur favoriser la 
victoire au détriment de leurs adversaires.
À aucun moment les Conseillers électoraux n’avaient modifié les résultats du scrutin.
Néanmoins, les Conseillers avaient 
pleine conscience des multiples irrégularités qui émaillent encore les 
processus électoraux en Haïti depuis que nous avons adopté ce mode de 
scrutin pour élire nos dirigeants et faisons l’apprentissage du 
pluralisme politique chez nous.
Mais, à chaque tour de scrutin, des 
dispositions étaient prises par le Conseil pour épurer et apurer le 
système : nous avions initié les redressements le 9 août 2015. Nous 
avions démontré notre détermination à corriger les dérives sur la base 
des recommandations des protagonistes le 25 octobre 2015. Nous étions 
disposés à continuer dans la même veine pour améliorer le processus et 
réaliser de meilleures élections au cours des compétitions 
présidentielles et législatives suivantes qui, malheureusement, n’ont pu
 se tenir le 24 janvier 2016.
Réaliser des élections en Haïti est 
une tâche ardue et très éprouvante. Toutefois nous devons être 
conscients que la solution à la question électorale haïtienne est sans 
l’ombre d’un doute le vote électronique. Dans l’entretemps, il revient à
 la classe politique, aux responsables de l’État de s’élever à la 
hauteur des attentes des forces vives du pays qui espèrent vivre dans 
une société apaisée et une nation réconciliée.
Dr Ricardo AUGUSTIN
Ancien conseiller électoral (2015)

 
 
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire